D4N – N19 – Flux sacré

 

Jour 19

 

 

L’ombre portée sur les règles.

Tout comme un individu, une culture entière peut jeter un comportement social dans son Ombre : c’est ce qu’il s’est passé en occident avec les règles. Aujourd’hui encore, l’attitude des hommes comme celui des femmes, ou le langage utilisé autour des menstruations sont négatifs…. Les anciennes générations disent encore que les femmes sont « incommodées » lors de cette phase. Les règles seraient une maladie, une malédiction, une infamité… dont environ 50% de la population serait touché. Moui…

D’ailleurs nous sommes nombreuses à éprouver un inconfort envers cette période du mois. Les règles : on les subis ! On est fatiguée. On n’arrive pas à se concentrer. On est inefficace et en plus, on est trop colérique. Si jamais nous nous opposons un peu fermement, que nous disons « non » un peu trop fort, on va nous entendre dire « ça y est, elle a encore ses règles ! »

Puis, le jour où nous sommes prêtes à avoir des enfants, chaque retour de saignements signale un échec.

Jeune fille, je demandais à quoi pouvaient donc bien servir les règles ? Que ce soit ma mère ou ma professeure de biologie, la réponse était la même : signaler que nous n’attendions pas d’enfant. Point.

Nos règles seraient donc purement et simplement un tests de grossesse primitif (négatif, forcément) ? Le miroir d’un échec ? Un punition douloureuse du péché d’Eve ?

 

 

De mémoire, dans un épisode de South Park un des héros déclare qu’il ne peut pas faire confiance à des créatures qui saignent tous les mois sans en mourir…. les menstruations iraient-elles jusqu’à nous déshumaniser ?!

Dans ma famille maternelle, nous avons même une légende qui dit qu’une ancêtre serait morte en sortant sous la pluie alors qu’elle était « incommodée. » Il ne fallait donc surtout pas être en contact de l’eau pendant cette période… enfin, si je tenais à la vie ! Cet un exemple qui reflète énormément l’association qu’ont nos règles avec la mort.

Et je ne parle même pas des discours que les femmes font aux jeunes filles (que j’ai entendu dire à ma fille et qui m’ont rappelé ce que j’avais déjà entendu moi-même !) : « tu es déjà réglée ? Ah non ! Oh alors profite. Surtout PROFITE ! Tu verras, ça va être l’horreur ensuite. Tu ne sera plus jamais bien. Tu vas grossir, etc…. »

Notre cycle étant réprimé purement et simplement au niveau culturel, c’est toute notre fertilité, notre féminité qui est remise en question. Les femmes en saignement se transforment en monstres, en créatures auxquelles il ne faut pas accorder d’intérêt à ce moment là. Ou pire. Mieux vaut les éviter, elles pourraient même transmettre le mauvais oeil ou la mort !

Et finalement, n’est-ce pas une association quasiment naturelle ? Certes, poussée à l’extrême mais entièrement naturelle, puisque l’archétype associé, à cette période du mois, est bien celle de la Déesse Noire, de la Reine des morts ?

En cela, c’est plus l’idée de la mort que notre société occidentale n’accepte plus.

Nous voulons vivre plus longtemps. Combattre le suicide. Rendre illégal l’avortement.

L’ennemi de la modernité ? La mort !

Symboliquement, nos règles sont donc aussi le nouvel ennemi !

L’humanité a voulu dominer la nature. Elle a inventé le désherbant et une pléthore d’outils pour pouvoir faire ce qu’elle voulait de son environnement. Elle craint les tremblements de terre, les volcans, les tempêtes, etc… car ce sont des évènements qui restent incontrôlables.

C’est ce que représente nos règles à une plus petite échelle : la victoire de la nature sur la femme.

Par extension, la femme EST incontrôlable.

La Nature est personnifiée comme une femme. La matière est le diable. Eve est satanique.

Nous tournons décidément en rond autour d’un même point : au moment de ses règles, la femme exprime l’archétype de la Mort. Elle est enlevée et placée sous terre. Au moment de ses règles, la femme témoigne de l’échec de l’humanité à progresser vers l’anéantissement de la mort.

Allé, quelques minutes pour nous soulager de tout ce qui pèse sur notre utérus :

 

 

Les règles : allez plus loin vers la compréhension du sacré

Si l’on choisit de prendre conscience du caractère sacré de nos saignements, nous pouvons tout de même être certaine d’en garder des éléments dans notre ombre (puisqu’elle appartient à notre inconscient collectif). Il faudrait pour cela, que notre société entière accueille différemment nos règles, et … la mort !

C’est ce qui explique tant les différences de point de vue avec les sociétés tribales. Dans ces cultures dites primitives, l’entrée dans le monde de la féminité des jeunes filles lors de leurs premières règles est encore honorée. Avoir ses règles reste un grand honneur.

N’est-ce pas parce que justement ces tribus restent proche de la nature et de son double visage de vie et de mort? La mort n’y est pas une ennemie mais un constat naturel. La nature n’est pas diabolisée. Elle est acceptée dans toutes ces facettes.

Primitives ou pleine de maturité, ces sociétés tribales ?

Pour le savoir, reprenons la légende de Perséphone, qui aura été notre fil rouge tout au long de cette classe.

Perséphone donc, est enlevée par Hadès. Elle subie son plongeon dans les profondeurs, comme nous subissons nos saignements.

Mais nous avons vu, qu’après cette aventure, elle était devenue la Reine des morts.

Le voyage dans l’ombre implique de confronter nos blessures et cicatrices émotionnelles laissées par les différents événements survenus depuis notre naissance : abus, traumatismes, deuils, abandons, dépressions, colères, folies et autres émotions généralement mal vues et non acceptées au grand jour par la société. En leur faisant face, Perséphone se réapproprie son propre pouvoir, en l’agrémentant de courage, sagesse et maturité.

Son mythe nous indique très clairement qu’elle ne peut demeurer cette Koré naïve, innocente, ignorante. Cette victime de la mort qui l’entoure. Non.

En acceptant et surtout en se responsabilisant (en tant que jardinier qui sème les bonnes graines) elle devient enfin mature.

Par là, nous voyons que la société occidentale n’est pas aussi mature qu’elle le prétend. En faisant de la mort son ennemi, en ne l’acceptant pas, elle se conduit comme une jeune vierge. Une victime.

C’est exactement ce qui est en train de se produire. Une victimisation de l’humanité à grande échelle. Une déresponsabilisation de nos actes et de nos réflexions. Pensons à tous les interdits (ne pas grimper sur ce mur, ne pas se baigner, etc…) à toutes les poursuites judiciaires pour blessures, mise en danger, etc… nous ne laissons plus nos enfants grimper aux arbres !

Nous acceptons Koré. Nous nions Perséphone devenue reine.

D’ailleurs, une recherche sur Google vous le prouvera ! Les oeuvres sur Perséphone (desseins, peintures, sculptures, photographies, …) vous montreront majoritairement une jeune fille fragile, un enlèvement, une nostalgie, … rarement une femme mature et dans son pouvoir comme cela :

 

 

En nous éloignant de la Perséphone grecque et de l’archétype sombre occidental, nous atterrissons dans l’ancienne Babylone. Là aussi, la Déesse contrainte de descendre dans les profondeurs (Inanna ou Ishtar) n’est pas la même que la Reine des enfers (Ereshkigal). Mais il est intéressant de noter que ces Déesses sont soeurs (la jumelle maléfique !?) On retrouve la même sororité pour Isis et Nephtys… mais la grande différence avec l’occident dans la représentation de la Déesse qui descend, est bien cette retransmission d’une féminité sûre d’elle, plus inquiétante aussi.

Encore plus loin géographiquement, nous retrouvons Kali. Cet archétype est clairement à l’apogée de son Pouvoir ! Avec la latitude, le regard sur la Déesse Noire semble changer. Du déni à l’admiration !

Dans la tradition tantrique, une femme menstruée est à l’apogée de son Pouvoir. Elle est Reine en sa demeure. Le moment transformateur des saignements est symbolisé par le serpent (qui mue et se débarrasse sans cesse de l’ancien pour faire place au neuf, tout comme un utérus !) et l’on ne compte plus les représentations de la Déesse avec un serpent.

Ce pouvoir grandiose, quel est-il pour que tant de civilisations en éprouvent une telle crainte ? Inanna/Ereshkigal ou Koré/Perséphone ont su dominer le serpent et désormais, elles font en sorte que les morts restent à leur place. Elles ont aussi cette capacité à monter et descendre dans le royaume du bas.

Symboliquement, cela correspond à la faculté de faire le travail de l’ombre : de muer pour ne garder que le bon, de se régénérer. Mais aussi d’être des gardiennes implacables qui font le tri. Voici la Sagesse pour laquelle les Déesses descendent ! Apprendre à faire le tri. Devenir des bonnes « semeuses, » être responsable de nos actes et plus des victimes trop naïves.

En honorant les femmes réglées, les sociétés primitives démontrent donc une grande maturité. Koré est devenu Perséphone, et cela est célébré comme il se doit.

Chaque mois, nous redevenons cette Reine. Oui, notre énergie physique est diminué lors de nos règles, mais notre intuition, elle, est à son maximum. Notre Sagesse instinctive, intérieure est à son apogée. Cette « faiblesse » est une force. Une guérison qui touche la collectivité (nos proches, nos amis, … et peu à peu, notre société !)

Alors je vous repose la question. Comment vous sentez-vous désormais devant cette même photo ?

 

➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳➳

 

Fluide sacré

Si notre société tellement moderne manque encore de maturité face à nos saignements, nous avons bien vu qu’il n’en a pas toujours été ainsi géographiquement ou historiquement. Épiphane de Salamine (315-403) témoigne de l’usage sacré des fluides menstruels dans des rituels religieux !
Sommes-nous capables de voir en eux plus qu’un liquide dégoûtant ?
Les artistes, c’est bien connu, aiment mettre les pieds dans le plat. Laura Hollik est de ceux là. Elle aime représenter des archétypes en se peignant sur le corps et en créant d’incroyables photos. Voici pourtant la mise en scène qui a eu le plus de réactions sur son compte Instagram l’année dernière :
Commentaires haineux, désabonnement en masse, Laura s’est retrouvée un peu dépassée par la houle. Vanessa Tiegs, une autre artiste féminine va encore plus loin, puisqu’elle peint avec son propre sang. Sa série de peintures s’intitule Menstrala :

Alors ? Jusqu’où êtes-vous capable d’accepter votre fluide menstruel ? Voici quelques questions pour déterminer votre degré d’acceptation de votre sang. Le but ici, n’est pas de faire le meilleur score mais simplement d’accepter d’être là où vous en êtes !

 

  • Pouvez-vous regarder votre flux ?
  • Craignez-vous les accidents qui mettront à vue votre sang (ou au contraire osez-vous le pantalon blanc ?)
  • Le travail de Vanessa Tiegs vous inspire-t-il ? Vous enthousiasme-t-il ? Iriez-vous voir de telles peintures ?
  • Avez-vous déjà touché votre fluide ?
  • Senti ?
  • Recueilli ?
  • Pourriez-vous peindre avec votre propre sang de menstruation ?
Après l’avoir observé à la loupe, on sait que le sang des menstruations est exceptionnel : il contient des cellules souches (ces fameuses cellules régénératrices, quasi miraculeuses !) Les anciens l’avaient-ils pressentis ? Dans le futur, utiliserons-nous ce sang pour soigner de futurs maladies ? Sera-t-il le prochain ingrédient extraordinaire des crèmes anti-âge ?
Pour les plus audacieuses, vous pouvez tester un masque du visage : il parait que nos menstruations rendent la peau plus douces et plus tendue 🙂 Vous me direz…

Moi je vous dis à très vite pour la dernière méditation de notre aventure !

 

 

 

<– Jour précédent                                                 Retour à l’accueil                                              Jour suivant –>