Bonus Coeur

Bonus sur le coeur et les pleurs

Au moment de témoigner de mon propre voyage (dans la page sororité qui suit), je me suis surprise à n’avoir qu’une envie : évoquer la réalisation de ma dernière peinture de 2024.

J’ai décidé d’y revenir en bonus pour vous en parler un peu plus car je ne travaillais pas encore sur la blessure du coeur, ni même sur l’enfant intérieur, mais j’avais peint une femme dans des tonalités bleues et douces que j’aimais beaucoup.

Ses pieds devenaient des racines pour tenter de s’ancrer d’avantage… comme un résultat de la traversé du chemin rouge de l’abandon.

Mais ses mains et ses bras étaient cachées derrière son dos.

Elle paraissait sans influence dans le monde. Sans pouvoir faire. Et cela m’a dérangé.

Ce ne fut pas le seul malaise.

Ce n’est qu’avec la traversé de cet atelier que j’ai pu comprendre que le pire, c’était que l’absence de bras reflétait un manque d’extension du coeur.

Dès qu’elle fût achevée, en la regardant et en la touchant, je me mis à pleurer et à entendre « lamentations des femmes » en boucle.

Plus encore, je sentais que je pleurais les larmes de mes ascendantes.

Des larmes peut-être interdites ?

La violence des sanglots était angoissante. Je ne savais pas si mon corps pourrait supporter le poids de souffrances qui m’assaillaient si soudainement.

La douleur tue des femmes avant moi.

Maintenant je sais, ce qu’était cette souffrance là et pourquoi elle était seulement celle des femmes de ma lignées.

Comme beaucoup, j’ai nié les abus (grands et petits) et vécu dans l’illusion d’une belle enfance.

Ce voile fut une déchirure à lever. Mon coeur a (re)souffert de voir la maltraitance déguisée… celle des femmes de ma famille.

Celle des hommes, on la dénonçait. Celle des femmes étaient un secret recouvert de bons sentiments, de cris, de maladies et de menaces au suicide.

Des femmes blessées. Comme moi. Comme nous.

Des femmes à qui on avait refusé de comprendre cette souffrance : l’absence d’affection d’une mère.

Voilà ce qu’était cette supplique faites des larmes de toute une lignée. Elles pleuraient le manque de tendresse et de compassion.

Elles pleuraient de ne pas savoir elles-mêmes, aimer leurs enfants, leur donner de la tendresse et de l’attention.

Elles avaient besoin de pleurer à travers moi. Et j’ai laissé faire alors que je ne savais même pas, que moi aussi, j’avais besoin de ces mêmes sanglots.

Car je souffrais de leur même souffrance.

 

Entrer dans les lamentations

Alors que les lamentations n’existent plus que dans quelques cultures, nous avons oublié leur caractère sacré (les prêtresses étaient payées pour pleurer et se lamenter de façon spectaculaire.)

Aujourd’hui, nous ne savons plus pleurer, car on nous l’a interdit très tôt.

Et j’ai faillit passer à côté de cette clef si importante, tant il y avait à dire sur cette blessure ! Pourtant, la peinture des lamentations et un des tirages en exemple s’y dédiaient entièrement.

—-> il fallait entrer dans les lamentations avant de finir.

Les poumons sont associés à la tristesse en médecine chinoise. Et comme nous l’avons vu, ce sont des organes touchées par cette blessure de désamour.

Les pleurs ont aussi un lien avec la grâce et l’enfant intérieur.

D’après Alexandre Lowen, le père de la bioénergie et celui à qui je dois ces réflexions autour de la perte de la grâce, oui, cette perte de la grâce dans le corps est comme un constat vivant des blessures de l’enfant intérieur.

Alexandre Lowen explique

« il arrive un âge où l’enfant est réprimandé pour ses pleurs et doit refouler ses sanglots, ravaler ses larmes. C’est à ce moment là que l’enfant est expulsé de son état de grâce… »

Pour de nombreuses thérapies, réussir à pleurer à nouveau est un gage d’avancée. Pour le corps, c’est une des actions qui permet le mieux de déployer la respiration et de libérer les tensions musculaires. 

Pour la somatothérapie, il est indispensable de faire pleurer son patient très tôt dans le processus afin que la vie coule à nouveau dans les tissus du corps.

Pourtant, on continue à penser que ce genre de traumatismes émotionnels ne sont pas « trop graves » ! Vu la puissance des lamentations que j’ai vécu dans ma chair, je suis désormais certaine que si. 

Si, interdire à son enfant de pleurer est grave.

Il va obéir, tant il a peur de ne plus être aimer et il va se retourner contre son corps. Cette obéissance va lui coûter son amour pour lui, son estime, sa valeur et sa confiance… pour commencer ! 

Toute tension musculaires chronique dans le corps montre l’existence d’impulsions naturelles inconsciemment bloquées. Ainsi, sa santé mentale ne sera pas le seul coût. Celle de son corps sera aussi en jeu.

À cause de la pression sociale que nous subissons tous, nous sommes rares à oser nous lever et défendre les pleurs de nos enfants.

À défendre leur nature profonde.

Car nous vivons dans une culture qui exploite la nature. On a remplacé l’harmonie par un besoin de tout contrôler. Et le respect par l’exploitation de l’autre.

Ce qui nous amène inévitablement à finir par exploiter nos enfants aussi. 

Or, c’est dans le corps des enfants que l’on trouve le plus de spiritualité !

 

Les pleurs ne sont pas qu’une impulsion de notre nature profonde ou un rituel sacré. Ce sont de grands guérisseurs.

Je pense aujourd’hui, qu’interdire de pleurer nous empêche de cicatriser. De relier.

Plus encore, nous interdire de pleurer est une cause de la blessure du coeur. 

Je m’explique…

Le traumatisme spécifique qui prédispose une personne à la dépression est la perte d’amour. Un enfant privé de contact affectif avec sa mère ou un substitut de mère peut entrer dans un état de dépression anaclitique et mourir.

Car le sentiment d’être en relation avec quelqu’un est vital pour notre santé, que l’on soit jeune ou vieux (les personnes âgés qui perdent un compagnon aimé perdent souvent le désir de vivre, ce fut le cas de mon grand-père !)

Durant toute la vie, l’intimité physique agréable a un effet positif sur le corps (stimulation de la respiration, de la digestion, de la force vitale …) et le mental (élans et enthousiasme).

Comme l’écrit encore Alexandre Lowen dans l’un de ses derniers ouvrages, « La spiritualité du corps » :

La perte d’une relation affective est souvent vécue comme une constriction douloureuse dans la poitrine ou donne l’impression que le coeur se brise. Tous, exceptés les très jeunes enfants, peuvent se remettre d’une telle perte et soulager la contraction en ayant du chagrin ou en portant le deuil. Le processus du deuil implique des pleurs ou des lamentations qui interrompent la pression due à la contraction et rendent au corps une certaine souplesse.

 

Ouvrir son coeur : toute une aventure ! 

Ainsi, non seulement, la blessure du coeur est initiée par une première perte ou absence affective maternelle, mais elle est empêchée d’être guérie par l’interdiction en plus, d’en pleurer !

Le traumatisme du coeur s’installe donc en profondeur avec l’interdiction de pleurer. 

Si je devais résumer cette blessure, je dirai que le plus souvent, la perte de l’amour n’est pas due à la mort ou à la disparition de la mère, mais dans son incapacité présente de répondre à la demande continuelle d’amour de la part de l’enfant.

La mère a peut-être elle-même été une enfant privée de l’amour de sa mère et en a souffert. 

Dans la plupart des cas, le coeur de l’enfant brisé par sa mère, va persister pendant sa vie entière sous la forme d’une contraction chronique dans la poitrine qui restreint la respiration. 

La plupart des enfants ayant souffert d’une perte d’amour croient de plus que cette perte leur incombe : ils ne sont pas dignes d’être aimés.

De nombreuses mères instillent cette culpabilité en reprochant à leur enfant d’être trop exigeant, trop vivant, trop désobéissant, trop malheureux… d’être trop.

Il comprend rapidement qu’il doit se conformer à la demande de sa mère s’il veut gagner un tant soit peu d’amour. Cette conviction que l’amour se gagne persiste pendant la vie adulte et elle s’y manifeste sous deux formes : la pulsion d’accomplissement et le besoin de succès.

C’est une lutte de reconnaissance qui s’engage.

Et cela commence par un coeur déchiré que nous ne pouvons guérir par des pleurs.

Alors nous mettons en place d’autres défenses pour que plus jamais nous ne puissions faire mal à notre coeur.

Malheureusement, ces protections prennent la forme de l’emprisonnement, de la fermeture des communications entre notre coeur et le monde.

Et nos coeur dépérissent !

Ouvrir le coeur est une aventure et un engagement quotidien.

Car oui, il nous arrive à tous des évènements qui nous touche au coeur : une rencontre, une musique, une histoire…

Mais si le coeur s’ouvre, si le joyau scintille, il continue à se refermer. Encore et encore.

Car inconsciemment, nous avons peur et nous pensons que nous devons le protéger.

Le coeur est le centre. C’est notre organe le plus sensible. Notre vie dépend de son activité. Alors oui, bien sûr que nous le défendons !

Mais si nous avons éprouvé la perte d’amour très jeune et l’interdiction de pleurer, ces protections seront telles que nous ne laisseront plus le monde y toucher. 

Il ne s’agit pas d’un emprisonnement imaginaire. La constriction de la cage thoracique est réelle et empêche la respiration !

Nous nous isolons. Nous entrons en dépression.

Alors, oui, nous devons nous entrainer à l’ouvrir grâce à une forte re-connexion à la nature et au réel, au rire d’un bébé, à un parfum… et à l’acceptation de ne pas avoir eu l’enfance rêvée.

Mais la clef de la réparation de cette blessure, c’est bien de retrouver le chemin de nos pleurs.

Alors seulement, nous pourrons vivre le coeur ouvert en continu au monde et à tous.

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