Le Site de la Maix (Vosges)
Nous allons prochainement visiter le site du Lac de la Maix dans l’une de nos sorties Art et Sites sacrés. Le moment est donc idéal pour vous proposer un peu d’informations sur ce lieu phare de notre région.
—-> Vous pouvez reprendre ce texte à condition que ce soit dans sa totalité et avec un lien vers cette page. Merci.
Découvrons son histoire qui reste mystérieuse.
Gérard et Marie-Thérèse Fisher, historiens (que j’ai eu la chance d’avoir tous deux, à un moment de ma vie, comme professeurs) tentent de démêler le vrai du faux autour de La Maix dans un des numéros de l’Essor (trimestriel de la Vallée de la Bruche.)
Déjà, son nom.
La Maix vient du patois local qui a transformé le latin « mare » en couleurs vosgiennes. Un mot qui n’est pas seulement réservé à désigner la mer mais aussi toute étendue d’eau comme la mare, le lac ou même un marais (La Maix étant les deux à la fois…)
Avant le XIe siècle, nous ne retrouvons aucune trace écrite sur « La Maix ».
On sait que c’est du temps de l’abbé Berchère (1050-1086) de Senones, que l’église fut érigée par un certain Regnerus (un privé.)
On ne sait pas en quelle année, mais on sait que sa consécration fut faite un 7 mai, c’est à dire un dimanche de Trinité.
Ce n’est donc pas encore, à cette époque, une consécration à la Vierge.
Ainsi, à ses débuts, le fameux pèlerinage à La Maix avait lieu chaque dimanche d’après Pentecôte (qui était la fête de la consécration de l’église.)
Une statue de la Vierge, n’est donc à priori pas la cause des pèlerinages, contrairement à ce que voudrait la légende.
Mais il est certain que Marie a finit par supplanter la Trinité…
Dans les textes historiques, on ne retrouve pas non plus la trace d’un ermite qui aurait construit sur le site à postériori.
Juste un endroit désert sur lequel on érigea une église. Puis un ermitage.
Mais pourquoi placer une église dans ce lieu au milieu de la forêt ? Pour christianiser un culte païen ?
Mais de quand date la présence humaine à La Maix ?
Impossible à dire au juste.
En 1993, une pirogue a été retrouvée au fond du lac et a été datée de 1050 environ.
Rien ne prouve pour le moment, que le site ait été un centre de pèlerinage en antiquité. Aucun élément datant de l’ère celtique n’y a été retrouvé, mais la légende reste forte.
De toute façon, « quand les celtes sont arrivés, dolmens et menhirs faisaient déjà figure de vestiges laissés par une civilisation disparue. » Gérard et Marie-Thérès Fischer.
La présence d’un culte païen n’a pas encore été retrouvé. D’ailleurs, rien ne prouve que le lieu ait été christianisé… après tout, il n’y a pas besoin d’aller jusqu’à construire une église !
Une croix ou une statue dans une niche dans la roche suffisent amplement.
Et puis, les moines étant à Senones depuis 350 ans… ils auraient eu amplement le temps de remédier à un tel culte, avant.
La Maix n’est le centre d’aucune paroisse non plus, ce qui signifie qu’elle n’était pas un lieu de rassemblement des villages éparpillés autour, comme c’est parfois le cas dans la vallée de la Bruche (Plaine, Ban-de-Sapt, …)
On ne sait donc pas pourquoi a été construite l’église !
En 1511, on sait qu’on y célèbre désormais des messes et qu’un ermite vit au bord du lac… presque 5 siècles APRÈS la construction de la chapelle.
Malgré la Réforme et la baisse des pèlerinages qui en a naturellement découlée, les offrandes aux sites restent élevées.
Et cela même juste après la Guerre de Trente Ans, alors que la famine sévit.
L’ermitage s’interrompit et ne repris qu’en 1707.
Les spécialistes datent la statue de La Maix du XVIIe siècle.
Peut-être a-t-elle été réalisée justement pour relancer le pèlerinage ?
À cette époque le site ressemble au dessin ci-dessus.
On y voit une seule route d’accès, et une croix pour désigner l’oratoire du Haut-du-Bon-Dieu. Était-ce une sorte de chemin de croix comme on en voit souvent à l’occasion de tels dénivelés ?
On y voit aussi que l’ermitage est en réalité une grande bâtisse. L’ermite était le gardien du lieu. Parfois, ils étaient plusieurs.
Les textes retrouvés nous permettent de savoir que le pèlerinage commençait tôt ! Il partait à 3h du matin de Senones pour arriver à 7h à La Maix. Les pèlerins partaient également de la vallée de la Bruche (Plaine, Saulxures, Schirmeck, Colroy…) et de beaucoup plus loin encore : « peuple tant des environs que de l’Alsace ».
La procession a compté jusqu’à plus de 2 000 personnes et s’entourait de nombreux marchands (vente de collations, mais aussi certainement pour faire des tractations, etc…)
Il est même possible que des mariages aient eu lieu aux bords du lac.
Si la messe se déroulait portes ouvertes dans l’église, les dévotions à Notre-Dame de La Maix avaient bel et bien lieu dans la crypte, cette chapelle souterraine où la Vierge était honorée.
Tout semble aller pour le mieux. Jusqu’en 1758. L’abbé de l’époque y dénonce des abus et indécences (sans plus de précisions) et interdit le pèlerinage ainsi que les messes.
Le plus incroyable, c’est que l’église est détruite !
On ne sait pas ce qu’étaient ces abus, mais il est fort probable que cela soit les fameux baptêmes des morts nés que l’Église condamnait.
Mais étrangement, la crypte elle-même n’a pas été comblée… alors que c’est bien là que le rituel prenait forme.
Au XIXe siècle, le pèlerinage reprend. Pour moi, il n’y a aucun doute : nous sommes à l’ère des apparitions et des miracles de Marie partout en France (Paris rue du Bac en 1830, la Salette en 1846, Lourdes en 1858…) Ce qui provoque une recrudescence de la piété mariale.
La messe à La Maix reprend.
Désormais, elle est faite à l’extérieur, sur un autel rustique en bloc de grès.
Alors, il est décidé de reconstruire l’église.
Mais pas sur la crypte ! À côté.
C’est là que la date de pèlerinage change alors pour le 8 septembre (Nativité de la Vierge.)
Au XXe siècle le lieu débute son ère touristique : les randonneurs y laisseront les premiers graffitis sur le grès de la nouvelle église.
En 1960, le pèlerinage s’essouffle, jusqu’à totalement disparaitre en 2005.
Il restera dans la légende ! Il est même devenu la base de la création du lac : lors d’un de ces rassemblements, un violoniste (en fait le diable déguisé) aurait tellement entrainé la population à danser, qu’ils en oublièrent tous de rejoindre la messe.
La foule préfèrant la distraction à la voix religieuse, cause la colère de leur dieu et le sol s’ouvre alors pour les perdre.
Finalement, le pré sur lequel tous dansèrent, devint un lac…
On y retrouve cette idée des pèlerinages d’époque, où les marchands et l’esprit festif de la foire se mêlent aux rigueurs (et au détriment ?) de la religion.
Je retiens surtout de cette légende 2 points :
- tout comme nous avons déjà rencontré un problème d’antériorité entre l’ermitage et la construction de l’église, nous trouvons une inversion avec la procession qui crée le lac. L’étendue d’eau n’est plus la cause de la présence du sacré, mais une conséquence désastreuse, associée à la mort ;
- dès que l’on est en face d’un site portant une énergie profondément féminine, on retrouve toujours, pas loin de là, l’essence du « diable ».
La femme (mais aussi le corps et la terre en général) a été assimilée à ce diable depuis la renaissance.
Et pourtant, paradoxe délicieux, c’est bien la vierge noire (réunissant terre, corps et féminité, rien d’autre donc que des diableries !) qui attire tant les pèlerins et possède toujours une place de choix dans les églises et les cathédrales les plus connues de France (Chartres, Rocamadour, le Puy-en-Velay, Vézelay, les Saintes-Marie-de-la-mer, …)
Concernant La Maix, il est évident qu’en étant le SEUL lac des environs, le lieu était profondément rattaché au féminin ! Et que Marie, liée à la Mer et à l’eau, ne pouvait que lui être dédiée… même si ce n’est qu’à postériori !
Une carte datant 1573, donnant à la Maix le nom allemand de « U. fraw zum See », que l’on traduit par « N(otre)-Dame du Lac » va dans ce sens.
——> La découverte de cette carte fut un instant d’une grande importance pour moi ! Je vous en parlerai lors de notre sortie.
Un site donc fortement féminin, mais pas uniquement, comme nous le verrons en sortie, et comme l’histoire retracée dans cet article l’indique déjà.
On voit en effet que son énergie d’abord trinitaire s’est retirée aux vents des modes (n’oublions pas que l’Église a toujours eu besoin de l’argent des fidèles… Elle va là où le vent la porte !)
À La Maix, il est donc fréquent que sa part masculine, le Haut-du-Bon-Dieu soit oubliée alors qu’il n’est qu’à quelques minutes de marche !
Cette trinité fait écho avec les découvertes faites tout au long de notre atelier de la blessure du coeur qui est aussi la blessure de l’amour, de la mère et de l’enfant intérieur.
Lorsque nous éveillons cette zone (ou parce que nous nous intéressons à notre enfant intérieur), nous activons automatiquement notre trinité intérieure !
La mère (qui porte l’enfant sur ses genoux, comme les vierges en majesté des vierges noires ou de celle de la Maix…) mais aussi le père intérieur.
C’est grâce à eux que l’enfant intérieur peut enfin se sentir en sécurité. Nourrit et guidé.
Comme vous pouvez l’imaginer en me lisant, je suis donc très enthousiasmée à l’idée de créer avec vous sur ce site et d’aller au coeur de ses mystères.
Quand à savoir si La Maix a possédé une véritable Vierge Noire alors que celle-ci est toute blanche (visible désormais à Luvigny) c’est oublier qu’un ermite a détruit la précédente statue en la jetant au feu (parce qu’il la trouvait… moche… !)
L’ancienne et la nouvelle reprennent pourtant les codes les plus typiques des Vierges Noires :
- la représentation en Vierge en Majesté (c’est à dire assise sur un trône avec un enfant sur les genoux) ;
- l’existence d’une crypte sur les lieux ;
- le fameux baptême des enfants morts ;
- la destruction de la statue (un ermite iconoclaste ? Ou comme beaucoup d’hommes d’Église de l’époque, ne supportant pas le paradoxe de la Vierge Céleste et pure représentée en noire ?) ;
- le pèlerinage ;
- et bien entendu, la statue qui décide d’elle-même où elle veut être (elle se serait enfuit à plusieurs reprises de Moussey avant d’accepter de rester à Luvigny).
Chacun en décidera en allant ressentir La Maix elle-même.
Sources historiques : l’Essor n°105 et 213
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