Conte : le pin qui brûle.
Pour l’exploration de la blessure de désamour, nous avons peint, collé et dessiné de manière intuitive… pas de surprise de ce côté là, comme pour chaque atelier en ligne que je vous propose.
La thématique nous a cependant permis d’aller à la rencontre d’un autre exercice créatif : l’écriture. Et oui, le coeur étant lié à notre enfant intérieur, nous ne pouvions pas passer à côté des contes de fées.
D’un « il était une fois« , jusqu’à une chute qui nous ramène parfois brutalement au présent, nous avons fait l’étude des mécanismes des contes et des archétypes de l’initiation de l’héroïne.
Puisqu’il est aussi important de créer que de partager (la blessure du désamour porte sur la reliance !) voici donc la publication de mon propre conte : le pin qui brûle.
Il était une fois une famille très pauvre qui vivait dans la forêt d’une montagne. Les parents n’avaient eu qu’un enfant, une fille, au grand damne du père qui voulait un garçon pour l’aider à couper du bois.
Quand elle fut en âge, sa mère chercha à la vendre pour qu’elle puisse gagner son pain. Or, personne n’avait besoin d’une fillette qui ne savait que ramasser du bois et des champignons.
La mère alla alors adresser sa supplique auprès de la reine. Elle l’implora de sauver son unique enfant de la rue.
Bien que la reine avait déjà trop de servantes, elle sût être touchée en son coeur de mère, elle qui avait déjà perdu un enfant.
Elle accepta donc de donner un travail à la fillette.
Mais elle ne trouva rien d’autre que de la faire s’occuper du jardin de sa maison de chasse, à l’abri des regards de la cour.
Pour être tout à fait sûre de l’éloigner des yeux de son mari, qui l’aurait renvoyé sur le champ, elle la fit loger dans un petit cabanon aux bois fissurés, loin de la maison.
En partant, la mère de la fillette lui dit de prendre son travail au sérieux car si elle se faisait renvoyer, elle ne pourrait rien de plus pour elle, et elle n’aurait alors pas d’autre choix que de mendier ou de vendre son corps.
Horrifiée, la fillette s’appliqua tous les jours à s’occuper des fleurs, à tailler les arbustes, ramasser le bois mort, les épines de pin disgracieuses tombées sur l’herbe qu’elle découpait soigneusement avec des petits ciseaux dorés que lui avaient offerts la reine.
Grâce à ces efforts et à sa peine, le jardin resplendissait.
Très vite, son travail fut apprécié par la reine qui décida alors d’ouvrir son jardin aux promenades des dames lors de ses absences.
Elles s’extasiaient toutes devant les fleurs et les gazons réguliers mais regrettaient de ne pas pouvoir étendre plus loin leur promenade.
Car tout au bord du jardin poussait un pin.
Dans la beauté du jardin, ce pin, bien qu’unique, était des plus disgracieux et menaçait même de tomber. Son tronc était de travers. Des branches cassées pendaient et jaunissaient.
Les dames se mirent de plus en plus à blâmer la fillette et plus le temps passait, plus elle paniquait à l’idée d’être renvoyée au retour de la reine.
Elle se mit devant le pin et réfléchit.
C’est là que le diable qui l’observait depuis un moment, se présenta et insista sur la laideur de l’arbre et à quel point il était dangereux pour la jeune fille de rester tout à côté.
En apprenant qu’elle était la responsable du jardin, il se moqua de sa taille en lui disant qu’elle était bien trop petite pour monter en haut du pin et tailler les branches. Et bien trop faible pour couper le tronc elle-même.
Plus le diable parlait, plus la fillette paniquait à l’idée de ne pas trouver de moyen de s’occuper de cet épineux problème.
Voyant la fillette de plus en plus perdue, le diable sentit qu’elle était mûre pour mettre son projet à l’oeuvre : brûler tout le village et toute la forêt pour étendre son propre domaine.
Il lui conseilla donc de mettre le feu au pin et la fillette trouva que c’était bien là, la meilleure des solutions.
Elle fit craquer une allumette et la déposa dans un creux de l’écorce.
Le feu prit immédiatement et le pin s’embrasa en quelques secondes.
Les flammes menacèrent rapidement les habitations aux alentours, comme l’avait espéré le diable.
Cependant, la fillette alla donner l’alerte. Ses jambes étaient fortes d’avoir grandit dans la montagne. Elle devança les flammes.
Mais le diable ne s’avoua pas vaincu pour autant.
Il résista 3 jours et 3 nuits malgré les efforts des paysans pour éteindre le feu.
Puis le brasier se calma enfin car le diable s’était impatienté et avait décidé de se retirer pour aller tenter sa chance ailleurs.
Il ne restait plus du pin que les restes calcinés de son tronc.
Pendant ce temps, la fillette avait eu le temps de regretter son geste et de comprendre que le diable s’était joué d’elle.
Surtout, elle était pleine de tristesse…
Ce tronc tordu, ces branches qui poussaient dans tous les sens… tout du pin, lui manquait.
Elle avait appris à aimer sa présence au fond du jardin.
Pleine de larmes, elle demanda aux paysans qui avaient éteint le feu s’ils pouvaient sauver l’arbre.
Voyant la détresse de l’enfant, ils décidèrent de la consoler en lui disant qu’un arbre avait déjà repoussé à partir de rien, une fois, dans le village voisin.
Bien entendu, ils n’y croyaient pas eux-mêmes, car après tout, il ne restait rien d’autre que du charbon !
Alors chaque jour, après son dur labeur, la fillette vint auprès de tronc noir pour souhaiter qu’il reprenne vie et le mouillait de ses larmes.
Des années passèrent ainsi et un soir, alors qu’elle s’était épuisée à travailler comme d’habitude et à pleurer, elle s’endormit au pied de l’arbre.
Elle fût réveillée en pleine nuit par le bruit d’un grattement dans la terre. Terrifiée, elle observa à la lueur de la lune en toute discrétion…
… et découvrit une femme habillée tout en blanc, à quelques mètres en dessous d’elle, sous les racines du pin. Elle portait un voile et le long de sa main couraient des gants de dentelle.
Puis, la mariée blanche disparue sous-terre.
La fillette qui était devenue une jeune femme était intriguée. Elle approcha en silence et découvrit un passage. Le trou était juste à sa taille et déboucha sur un espace sombre bordé d’un lac sous-terrain.
Elle vit sur sa gauche, que la mariée blanche avait rejoint un groupe de femmes qui ajustaient son voile. Puis, elles la firent descendre encore plus bas sous-terre grâce à un escalier.
La jeune femme s’approcha des dames pour leur demander ce qu’il se passait. On lui répondit qu’elle attendait son mari.
La mariée attendait effectivement dans un tout petit espace encore plus sombre et plein de suie.
Malgré la poussière noire, sa robe restait immaculée.
Puis, elle finit par remonter de manière solennelle et les femmes se lamentèrent en disant que le mari n’était pas venu. Tout le monde se retira alors en formant une longue procession et tous disparurent par l’ouverture.
La jeune femme restée seule tentait de comprendre le spectacle auquel elle venait d’assister. Perdue dans ses pensées, elle finit par remarquer que cet étrange endroit lui donnait un sentiment de sécurité qu’elle n’avait jamais connu jusqu’alors.
Ce qui ne fit qu’éveiller sa curiosité !
Elle voulut descendre à son tour dans la pièce de la mariée.
Inhabituelle et étrange, l’endroit semblait absorber tous les sons, toutes les odeurs et on n’y voyait absolument rien. En touchant les murs noirs, la jeune fille ne touchait rien.
Ce noir n’était pas la richesse de l’humus dont elle connaissait tant l’abondance dans sa forêt, mais le vide incarné.
Elle resta là un moment, trouvant solennelle cette étrange sensation d’être coupée de la matière, puis elle fut interrompue dans ses réflexions par des battements d’ailes : un cygne venait de se poser sur le lac sous terrain.
Il avançait gracieusement sur l’étendu d’eau en regardant la jeune femme qui remontait du dessous.
Le cygne s’approcha encore et elle s’assit au bord du lac pour l’admirer.
Mais soudain il ouvrit le bec et s’adressa à elle :
« Si tu mets en terre les ciseaux dorés, tu connaitra une telle richesse que tu n’auras plus jamais à travailler.
Mais si tu les jettes dans ce lac, je t’accorderais le souhait pour lequel tu as tant pleuré. »
Comme elle n’avait jamais pleuré autant que pour le pin brûlé, elle se demandait si la renaissance d’un arbre valait ce sacrifice ? Les petits ciseaux dorés de la reine étaient tout ce qu’elle possédait. Sans eux elle ne pourrait plus travailler au jardin.
Si ses parents avaient été là, elle savaient qu’ils auraient voulu qu’elle choisisse l’abondance. Mais son coeur avait été meurtri. Il ne lui permettrait jamais d’oublier le pin.
Elle savait que plus elle attendrait, moins elle saurait quoi faire. Alors, sans réfléchir, elle prit les ciseaux en main et comme un réflexe, les jeta dans le lac.
Le cygne disparu et elle tomba sans connaissance sur la berge.
Elle ne se rendit compte de s’être endormie que lorsqu’elle fut réveillée par une main posée sur son épaule qui la secouait dans tous les sens. Un magnifique jeune homme lui dit dans un souffle, qu’il allait faire jour et qu’il fallait remonter ou être coincé là pour toujours.
Il lui prit la main et se précipitèrent vers le passage.
Ils émergèrent ensemble juste devant le pin, au moment où le soleil se levait.
À la lumière du jour naissant, elle sut en un instant, que le jeune homme lui avait ravit son coeur et qu’elle devrait vivre avec la souffrance de ne pouvoir l’épouser, car il ne pouvait n’être que le marié tant attendu.
Il était donc le promis d’une autre.
Pendant un instant elle regretta le choix des ciseaux. Avec plus de richesses, elle aurait peut-être pu devenir la femme d’un homme aussi beau.
Elle fut sortie de ces tristes réflexions par la surprise de découvrir devant elle, l’arbre sur lequel elle avait tant pleuré. Il avait repoussé en une seule nuit, bien droit et plein de branches vertes et gracieuses.
Au summum de sa joie, elle expliqua au mystérieux marié du dessous tout le miracle qui s’était produit. Depuis l’erreur de suivre l’idée du diable… jusqu’à ses larmes chaque nuit pendant 7 ans.
La surprise de la jeune fille fut plus grande encore quand elle apprit que le jeune homme était le fils du roi et de la reine et qu’il avait fuit sous-terre car il refusait de se marier avec une âme qui ne saurait pas la valeur de l’innocence.
À chaque pleine lune, des jeunes filles tentaient d’obtenir son coeur. Mais il attendait une âme qui pourrait sacrifier tout ce qu’elle possédait. Une âme capable de renoncer aux ciseaux pour ne plus jamais se couper de ses émotions et à l’or pour ne suivre que la voie du coeur.
Le mariage eu lieu sur la terrasse la plus haute d’un gratte-ciel, juste à côté d’EuropaPark !
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