Conte I
CHAPITRE DEUX :
EXPRESSION ET LIBÉRATION
Une quête d’absolue
Qu’est-ce qu’un conte pour vous ? Une histoire ? Qu’est-ce qu’un héros ? Une aventure ?
Après des années à me passionner pour les contes de Clara Pinkola Estès, ceux des 13 Mères Originelles, puis ceux du Roi Arthur, les mythes et légendes grecques (mes premiers amours d’enfance !)… je répondrai que chaque histoire est une quête d’un héros.
Et que la quête est toujours la même : celle de l’absolu.
Celle de l’unité.
Cela peut prendre bien des formes et des symboles. Mais au final, le but de chaque histoire est toujours, toujours, le même : le héros cherche à la fois « Dieu », la « Source », le « Tout »… et surtout à s’unir avec cet absolu une fois trouvé.
Pour être plus terre à terre, c’est la quête de son âme. L’union entre le corps et l’esprit.
Le mariage sacré.
La situation initiale
Un conte est un genre littéraire très codifié, que ce soit au niveau des temps utilisés (voir plus bas) ou de sa structure.
On commence toujours avec une situation finale, puis un évènement négatif qui va lancer le héros dans sa quête.
C’est là que l’aventure à proprement parler démarre.
Là que s’enchainent les rencontres les plus chanceuses, les actions les plus folles, les objets les plus magiques et les aides les plus inattendues.
Le héros ou l’héroïne n’est jamais parfait au début. Il a des défauts. Elle vit dans un endroit inconfortable.
L’inconfort et les environnements négatifs sont ce qui va créer le mouvement : créer le départ de l’aventure.
Dans une unité, sans dualité, où tout le monde n’a que des qualités et où chacun s’entend parfaitement avec tout le monde… rien ne bouge.
Le mouvement commence toujours par une tension insupportable.
Cela va donc être la première étape du conte de notre vie et de notre blessure.
Pour ce faire, je vous invite à relire vos notes jusque là, de façon plus extérieur. Plus spectatrice.
Et de voir, que la blessure du coeur est ici, l’inconfort qui va permettre la mise en mouvement.
Poser le cadre
Il ne s’agit pas ici d’écrire une biographie de notre passé, mais de le transposer sous forme symbolique, tout en gardant l’idée d’inconfort. Sa qualité.
Les contes européens se déroulent souvent dans une ambiance moyenâgeuse. Dans des forêts dangereuses et des grands châteaux maudits.
N’hésitez pas à explorer d’autres possibilités, tout en conservant une distance. Une distance qui peut être de temps… mais aussi de lieux : Plages. Déserts. Villes magiques d’orient. Temples japonais.
La prise de distance est importante ici, car elle va nous permettre de changer de perspective sur notre histoire.
Vous pouvez également choisir l’ambiance particulière d’un rêve que vous avez fait récemment. Surtout depuis le début de cet atelier.
C’est toujours une bonne idée de commencer par « il était une fois ».
C’est un code connu dans noter culture qui met le ton ! Nous savons que nous entrons dans l’espace du conte et notre cerveau se met dans la bonne réceptivité du message.
Bien entendu, vous pouvez vous essayer à différentes variations :
- il y avait un jour ;
- il y avait une fois ;
- dans l’heureux temps où ;
- il y a bien longtemps ;
- c’était il y a plus de cent ans ;
- il y a bien longtemps, dans un endroit éloigné ;
Créer le personnage
La situation initiale de notre conte doit coller avec la blessure personnelle que vous avez vécu.
Puisque la blessure concerne l’enfant intérieur, je vous propose d’en faire notre héros.
Notre personnage miroir, peut être aussi à mi chemin entre l’enfance et l’âge adulte : une jeune fille par exemple.
Nous ne préciserons jamais son âge, comme dans les contes, car chaque lecteur doit pouvoir s’identifier à elle.
Peu importe son âge, notre héroïne peut tout faire et a une intelligence bien développée. Jeune, elle est capable d’avoir des idées adultes. Mais elle peut aussi faire des choix très idiots.
Par exemple le petit poucet : il est à la fois très malin puisqu’il dépose des cailloux pour retrouver son chemin. Mais aussi un peu bête, en les remplaçant par des miettes… (bon oui, parce qu’il n’avait pas le choix, mais vous voyez où je veux en venir !)
Notre héros à ce stade, n’a pas toutes les réponses à toutes les questions.
N’oublions pas qu’il est en quête de son âme.
C’est elle qui détient sa sagesse intérieure, ses talents et potentiels. Elle qui que fera du personnage, un être réalisé. Complet.
Créer l’inconfort
Commencez par décrire le cadre choisi (l’endroit, la saison…) et votre personnage (une description vague qui se limite souvent à sa couleur de cheveux, s’il est beau ou laid (et maudit), ou un trait de caractère (« qui aimait se sacrifier pour nourrir ses petites soeurs »)).
Les codes du conte nous indiquent d’écrire au temps de l’imparfait ici (« était », « avait », « devait »…)
Puis nous passons à la description de l’évènement moteur initial.
De cette situation doit surgir l’inconfort qui met en marche toute la quête.
En général, la situation de vie du héros n’est jamais idéale. Mais elle est familière et il s’en contente : une maison pauvre avec des métiers difficiles.
Mais cela peut être aussi un prince qui sera mis au défi par son père ou sa mère lorsqu’il aura atteint un certain âge fatidique.
C’est ici qu’apparait l’élément déclencheur, comme l’âge du prince (qui n’est jamais donné mais sous entendu comme « quand il atteint enfin l’âge de se marier »…)
Cela peut-être un problème extérieur à la famille du héros : par exemple une famine, la perte d’emplois des parents, leur décès dans un accident…
Ou l’intervention d’un personnage. Dans la jeune fille sans main, c’est le diable qui veut la chercher.
C’est dans cette situation là que va apparaitre clairement la blessure de l’héroïne de ce conte, qui n’est pas protégée, ni par son père, ni par sa mère. Ils laissent faire le diable qui amputera l’héroïne… impossible pour elle ensuite de rester auprès de ceux qui l’ont tant trahi.
Vous pouvez commencer par vos notes sur la blessure de la mère. Était-ce de l’ordre de la nourriture (physique ou affective) ? Dans ce cas, la famine peut toucher le foyer.
Si c’est une blessure de protection, la maison peut-être attaquée par une armée ou un esprit malfaisant. Une sorcière peut surgir et demander des comptes aux parents qui leur ont promis leur première née… ils sont alors incapables de la protéger.
Si c’est une problématique de manque de guidance de la part de la mère, nous pouvons imaginer qu’elles partent ensemble à la cueillette et que la mère perde sa fille (volontairement ou non).
——-> dans tous les cas, faites surgir un évènement inconfortable pour le héros. De ceux que vous n’aimeriez pas devoir vivre ou re-vivre.
Faites intervenir la mère du héros. Elle peut manquer à ses devoirs de mère. Ou être décédée à la naissance de celui-ci et le marquer par son absence.
Inutile de savoir pour le moment, ce que cherche notre héroïne et où va aller l’histoire.
La prochaine étape sera de s’éloigner de l’inconfort dans la suite et partir à l’aventure.
Mais pour cela, il va falloir plonger dans votre propres émotions et mémoires chargées négativement pour trouver un inconfort duquel s’éloigner.
Toujours selon les codes du genre littéraire du conte, cet évènement s’introduit par un changement dans le récit introduit souvent par l’expression « un jour ».
Puis la description de l’évènement se fait au passé simple (« fut », « se mit », « vint ») qui est le temps de l’action importante.
Si vous bloquez
Voici 2 astuces selon le type de résistance à laquelle vous vous confrontez.
Trop d’idées
Vous ne savez pas choisir parmi toutes les idées qui fusent dans votre tête ? Toutes les pistes vous paraissent belles à explorer et vous avez du mal à en sacrifier ?
Vous pouvez écrire toutes vos idées sur du papier : une idée par ligne. Puis les découper et piocher ! C’est le destin qui choisira pour vous.
Il ne reste plus ensuite qu’à lier les évènements.
Zéro idée
Absolument rien ne vous vient ?
Vous pouvez alors utiliser un tirage de cartes :
- 1 carte pour la situation initiale ;
- 1 carte pour le personnage ;
- 1 carte pour l’évènement inconfortable qu’il va vivre.
Exemple ici :
- La grande prêtresse : on pourrait imaginer que le conte a lieu dans un temple ou une abbaye. L’héroïne, pourrait être celle que l’on voit sur la carte : une jeune femme de belle prestance… mais qui aurait grandit isolée dans le temple, sans voir l’extérieur. Et sans parents… Je peux tout à fait imaginer qu’elle aurait déposée aux portes de l’endroit juste après sa naissance.
- Le pape : bien que cette carte était pour le personnage, je ne peux m’empêcher de voir surgir un esprit malin, comme un grand prêtre. Peut-être est-il là parce qu’il l’a reconnut ? Ou pour la sacrifier à un dieu ? Avec son grand bâton, j’ai l’impression qu’il la cherche depuis longtemps… mais dans quel but ?
- le soleil : ahaha ! Pas simple de trouver l’inconfort dans cette carte associée à la lumière et à la joie ! Et si l’esprit malin voulait notre héroïne ainsi accomplir une prophétie… à son bénéfice à lui (pour prendre la place de la lumière = prendre le pouvoir sur le royaume !) Notre héroïne pourrait-elle tout découvrir à cause d’une rencontre avec une femme et qui l’aiderai à s’enfuir ? Peut-être qu’il est la raison pour laquelle ses parents l’auraient abandonné à un temple : la protéger de son propre destin ?
Offrez à votre enfant intérieur la liberté d’imaginer son histoire… et de se lâcher !
La difficulté sera de réussir à conjuguer cette expression créative avec les éléments de votre vécu.
—–> j’aime travailler pour cela sur ordinateur. Mon processus d’écriture est assez chaotique : je jette tout ce qui vient dans l’ordre qui vient. Puis je les classe seulement après que tout soit sorti de ma tête. J’ajoute des précisions en entrecoupant les phrases. Et enfin je lie le tout dans quelque chose de cohérent à la fin avec des articulateurs : « donc », « ainsi », « alors »…
Cela nécessite beaucoup de relectures par exemple.
N’attendez pas que votre histoire s’écrive toute seule dans un premier jet.
Comme pour la peinture, il faudra revenir aux mêmes espaces pour les corriger, les illuminer, les préciser…
Autorisez-vous à retravailler votre brouillon plusieurs fois.
—–> N’hésitez pas à y mettre une bonne dose d’extraordinaire et de magie. Il n’y a aucune obligation de réalisme ici, bien au contraire.
Vous pouvez aussi aller profondément dans la tristesse et les peines de votre personnage.
Si vous n’arrivez pas à vous lancer dans un évènement trop triste, ne forcez pas. Vous pourrez y revenir après l’intervention de Morgan le fey au jour 24. Elle nous apprendra en effet, à « gérer » les situations négatives.