Perfection III

Je termine ma petite lancée verbale autour de la perfection.

J’avais commencé à parler de l’intérêt de l’imperfection dans l’art. Puis dans notre recherche du bonheur, à laquelle la perfection est un véritable frein

Si la perfection est un frein, un manque, elle peut être bien pire ! Elle peut être source de mauvaise estime de soi.

Chaque jour, voir même chaque heure, les comptes Insta, les blogs, les réseaux sociaux nous montrent de belles images, des petits goûts de perfection.
Bien que l’on sache tout à fait que ce genre d’images est très travaillée, elles semblent pourtant être prises sur le vif, comme un témoignage journalistique de la vie conjuguant réussite et joie.
Mais comme le disait Platon (oui je sais, j’ai un petit faible pour les grecs philosophes ces temps-ci) la beauté est le vestige des mondes de l’au-delà (Platon était un grand défenseur de l’éternité de l’âme et de la réincarnation). Ce serait la cause de notre obsession pour la beauté. Comme un rappel de notre propre perfection d’âme.
Nous serions donc attiré par ces belles images comme les moustiques par la lumière.
Et comme eux, nous nous y brûlons.
Ou en tout cas, moi je m’y brûle !
J’ai certes abandonné la lecture de magasines de mode comme Vogue ou Elle qui diffusent des clichés Photoshop mais oh! combien magnifiques (que ce soit les corps, les visages ou bien les atmosphères magiques qui règne dans ce genre de photos, ces profondeurs de couleurs, etc …) mais je passe encore des heures et des heures sur Pinterest.
Et justement, le succès de ce genre de site, de revues c’est bien de jouer sur notre humanité. Sur notre soif de beauté.
Le contre-coup de ce style soooooo 21e siècle, c’est que tout le monde s’y met.

En particulier… les mères parfaites !

Pour gagner des like, elles se veulent exemplaires.

Leur maison est toujours propre. Toujours décorée avec goût.

Leurs gamins ne leur casse jamais aucun de leur foutu bibelot !

Elles sont capables de tricoter sans louper une maille, le bonnet de leurs mômes. Et les couleurs choisies vont magnifiquement avec (au choix, barrez l’inutile selon votre style) leur magnifique chemise Burberry / gilet en poil de lama bio.

Oui c’est génial de faire tout ça. Oui, c’est génial que ton enfant n’est pas ruiné sa chemise Burberry. Mon fils en a eu une, une fois. Il a vomi dessus avant même que j’ai pu prendre la moindre photo !

D’ailleurs, je ne sais pas comment elles font les mères parfaites accro à Insta ! Comment arrivent-elles à gérer la prise de photos avec le rechargement de la batterie de leur téléphone. Il me suffit de 2 malheureuse petites prise d’images pour que mon téléphone s’éteigne ! Et pendant ce temps, mes enfants formidablement imparfaits ont eu le temps de foutre le feu aux cheveux de leur poupée !

Sont-elles magiques ?

Diaboliques ?

Car en se voulant exemplaire, elles en font trop. En se voulant surhumaines, elles ne sont même plus humaines.
Et le message véhiculé, n’est-il pas des plus horribles ?
Regarde tout ce que je fais, tout ce que je suis… je suis tellement mieux que tu ce que tu peux imaginer ! Je suis meilleure, plus belle, plus intelligente, plus mince, plus organisée, plus joyeuse, plus triste aussi (c’est selon), plus forte, plus capable, plus heureuse, plus, plus, plus, plus, …
Mais pour qu’il y ai un plus, il faut un moins.
Et le moins, c’est qui ?
Le spectateur forcément !
C’est là, précisément, mon petit moustique, que tu t’es brûlé les ailes.
A la recherche de la beauté, ces quelques minutes de plaisir visuel te laissent comme un goût amer. Le malaise s’installe alors que les sourires des clichés défilent.
Te voilà honteux de ta vie, de toi.
Le plus fou, c’est que ces mères parfaite prônent la coopération, le respect de l’autre… mais pour quelques like, elles sont prêtes à rendre l’autre MOINS.
La mère parfaite parade sur tous ces comptes (et oui, attend, en avoir qu’un c’est has-been). Elle souris sur sa photo de profil. Elle s’active dans les sens (selfies, coutures, craft et j’en passe) pour ne pas avoir le temps de contempler le vide.
Elle se fait bouffer par sa part d’Ombre, toute entière.
Ne faudrait-il pas, au contraire, encourager l’imperfection ?
L’estime de soi pour celui qui regarde son écran (aors, oui, hein, j’ai toujours été un peu décalée et fleur-bleue…) ??
Mais si je n’avais qu’un conseil, ce serait à toi créatrice, ou à toi, mère, ceci :
Ne regarde pas. Détourne ton regard de la flamme meurtrière.
Juger ta vie, tes réalisations à ceux d’inconnus sur internet est purement et simplement UN MEURTRE DE TON AME.
Regarde la beauté de l’imperfection de ton foyer au lieu de te complaire dans le manque.
Ta maison ne sera jamais aussi parfaite que la sienne.
Tes enfants ne seront pas aussi parfaits que les siens.
Ton corps ne ressemblera jamais au sien.
Tu n’aura pas sa réussite financière.
Alors, ferme ton écran et vie dans ta maison imparfaite, avec tes gosses imparfaits, dans ton corps imparfait.
Et réjouis toi.
Toutes ces imperfection font que ta vie, ne pourra jamais être copiée. Tu en as les droits d’auteur. Tu es une marque.
L’artiste VERITABLE, c’est toi !